À partir du 21 avril, c'est aux Écuries que vous allez faire vivre Ernest, le personnage de votre exposition : quelle a été votre première réaction à la découverte du lieu ?
Dès le départ, je l'ai vu comme un lieu comparable à une bande dessinée classique. Là où on peut voir une succession de 9 salles reliées par un couloir, je vois 9 cases et un espace inter-iconique. L'avantage des écuries, c'est qu'on peut jouer avec ces deux dimensions.
Mais d'où vous est venue l'idée de cette exposition ?
Cette idée est partie d'une petite bande dessinée en 3D que j'avais réalisée pour une vitrine. Celle-ci avait des compartiments, j'ai tout de suite pensé qu'ils pouvaient me servir de cases. Après cette expérience, je me suis dit que cela pouvait également fonctionner avec de plus grands espaces.
Par la suite, j'ai proposé mon idée à Vincent Eches, le directeur de la Ferme du Buisson. Il a été séduit et m'a proposé les Écuries. J'ai conçu l'exposition spécialement pour le lieu grâce à un carnet d'idées rempli de petites oeuvres en 3D. J'ai ajusté certaines de mes idées et également créé des pièces sur mesure tout en installant une narration entre les salles. Mon idée était d'utiliser un autre support pour faire de la bande dessinée. J'ai pensé cette exposition comme je crée habituellement des albums. J'ai juste changé d'échelle.
Avec ce changement de dimensions et d'échelles, qu'est-ce qui fait que cela reste toujours de la bande dessinée ?
C'est ce qui m'a intéressé avec cette exposition : me demander ce qui fait la particularité du 9e art. Qu'est-ce qui fait que, malgré le changement de support, cela reste une bande dessinée ? La réponse est la narration, mais pas seulement. C'est également le rapport au temps qui existe entre le lecteur et l'oeuvre. C'est lui qui décide du temps de lecture, du nombre de minutes qu'il passera sur une case, sur une page ou qu'il consacrera à une image en particulier. Contrairement au cinéma par exemple où tout est décidé pour lui à l'avance. Ici, le lecteur est actif, seul le contenu de l'histoire est pleinement entre les mains de l'auteur. Ici, on retrouve cette liberté. Le visiteur peut passer autant de temps qu'il le souhaite dans une salle et s'approprier l'histoire.
Que souhaitez-vous provoquer chez les visiteurs ?
J'aimerais bien que le visiteur se retrouve dans la situation de l'enfant qui lit une bande dessinée. C'est un sentiment qui a tendance à disparaître à l'âge adulte. On perd cette qualité d'implication de lecteur, celle qui nous permet de plonger complètement dans un album. La sensation d'avoir un livre tellement grand et surprenant que l'on se projette totalement dans l'univers dessiné. Adulte, on met de la distance, on a conscience que c'est un livre. Là, j'aimerais bien retrouver cette dimension, qu'on ait l'impression d'être dans le dessin, d'être à notre tour un personnage de bande dessinée. Je souhaite que les visiteurs accompagnent Ernest dans son aventure, qu'ils aient les mêmes émotions que lui. Par exemple lorsqu'il se perd dans une dimension gigantesque, qu'ils ressentent ce changement et perdent eux-aussi leurs repères.
Vous terminez une première semaine de résidence à la Ferme du Buisson, est-ce un choix de votre part de créer l'exposition in situ ? Que cela vous apporte ?
Cette exposition nécessite beaucoup de travail, j'aurais tout simplement été incapable de faire tout, tout seul. Dès le départ je souhaitais la monter en équipe. Mon cahier d'idée en est la preuve. J'ai veillé à ce qu'il soit clair, détaillé et didactique. Tout étant à inventer, c'est rassurant d'être sur place. J'ai un espace où travailler au calme, c'est idéal pour la concentration. C'est également très agréable d'avoir des interlocuteurs qualifiés qui apportent des solutions, posent des questions. C'est à la fois enrichissant et inspirant. Être avec des techniciens de ce niveau, c'est parfois déroutant, ils savent tout faire donc les possibilités sont immenses ! Cela a particulièrement nourrit mon imaginaire.