Les possédés
Bullet Park
résidence de création
De passage régulièrement en résidence de création depuis 2006, Les Possédés sont en quelque sorte des habitués de la Ferme du Buisson. Ce collectif qui depuis ses débuts a créé pas moins de huit spectacles en collaboration avec la Ferme, a réussi à s'implanter comme une troupe de qualité avec des propositions artistiques originales. Retour sur un de leurs succès.
A la fin des années 1960 aux États-Unis, la critique commence à se faire un peu plus acerbe sur l'American way of life, ses gazons, ses lotissements pavillonnaires et ses obsessions électroménagères. C'est dans ce contexte que l'écrivain américain John Cheevers, qui gagnera par la suite sa réputation de « Tchekhov des banlieues », publie sa nouvelle Les Lumières de Bullet Park, un drame qui parle du tiraillement « entre le carcan de la norme et le désarroi existentiel ».
50 ans après, Rodolphe Dana, Katja Hunsinger, aidés de Laurent Mauvignier à la dramaturgie adaptent cette œuvre en lui procurant une dimension intemporelle. Les Nailles (Nails : clous en Anglais) , une famille à la fois stéréotypique et dysfonctionnelle, habite un environnement aseptisé de banlieue américaine des années 1960, où ils sont d'apparence unis dans la sphère protégée de la cellule familiale. Mais leur petit monde va connaître une déflagration double, qui vient à la fois de l'intérieur et de l'extérieur. Le fils tombe un matin en dépression et décide de ne plus se lever, le père se met à absorber des tranquillisants et la mère en vraie « housewife » hystérique, à renverser son frigidaire. Et pour finir, un couple, les Hammers (marteau en anglais), vient s'installer dans le quartier. Le mari, Paul Hammer, s'est donné pour but de crucifier le rêve américain. C'est l'irruption de la divergence dans leur univers parfaitement normé et, avec elle, apparaissent les doutes et les failles de chacun des personnages.
Depuis sa création en 2002, le Collectif Les Possédés, constitué de 9 comédiens, suit la voie d’un théâtre qui s’intéresse profondément à l’humain : ses travers, ses espoirs, ses échecs, ses réalisations, sa société… Prospecter, creuser, interroger ce que nos familles, ce que nos vies font et défont, ce qui rend si complexe et si riche le tissu des relations humaines qui enveloppe nos existences. Ainsi, pour les textes qu’il monte, le collectif creuse l’écriture : c’est d’abord l’approche par une vue d’ensemble qui s’affine en fonction de la richesse des regards de chaque acteur, du degré d’intimité créé avec la matière en question et de la singularité des perceptions de chacun. Une aventure intérieure collective vers les enjeux cachés d’un texte, ses secrets et ses mystères. Approcher l’auteur et son œuvre pour, alors, s’en détacher, se délivrer de sa force et de son emprise afin de faire apparaître sa propre lecture, son propre théâtre. Les membres du collectif se connaissent depuis longtemps, presque tous issus du Cours Florent, et la relation étroite qui les unit sert un jeu qui laisse la part belle à leurs propres personnalités. C’est certainement leur marque de fabrique : un théâtre qui privilégie l’humain et la fragilité qui le constitue. C’est donc assez naturellement que des auteurs comme Jean-Luc Lagarce ou Anton Tchekhov, grands explorateurs de la condition humaine de leurs époques respectives, ont pris place dans le répertoire du collectif.
Le spectacle est créé en novembre 2011, au théâtre Vidy-Lausanne (Suisse).